Timothy Archer propose une peinture explosive et dionysiaque à rebours de l’esprit notre temps. Un mélange de Combas et de CoBrA sur fond d’expressionnisme et de Street art ! Les dépressifs et les nihilistes diront que c’est du déjà vu ; certes, mais sûrement mal vu !
L’heure est à la gravité. Le règne du sérieux et le poids des responsabilités envahissent partout les discours, reléguant le vagabondage de l’esprit à des enfantillages de doux rêveurs! Avec sa peinture dionysiaque et joyeuse, Timothy Archer semble résolument sorti d’un douillet asile d’irresponsables! Pourtant, les toiles et les dessins de Timothy Archer qui remplissent l’espace de la galerie Claire Corcia de leurs contrepoints aux formes colorées ne relèvent pas de la simple distraction insouciante ou du seul passe-temps dominical ! Ils sonnent plutôt, de leurs gammes chromatiques aux allures de free jazz, le rappel qu’il peut toujours se passer dans les arts, quelques chose qui porte à son incandescence ce qui braisait dans les dessous de la société.

Didascalies berlinoises
De fait, rarement le geste corporel d’un peintre s’était incarné aussi poétiquement dans l’espace, grâce à une écriture tracée à même la chair de la toile. C’est une peinture de « didascalies » qui accorde pleinement la priorité du gestuel et des costumes sur la parole en renouant avec une parole d’avant les mots ! En jouant l’affirmation d’un art hautement rétinien qui n’a nul besoin de bavardages ou de paratextes pour justifier sa présence, Timothy Archer revendique un « primitivisme » assumé dans lequel l’expression passe autant par la parole que par les gestes, les danses, les masques, les rites ou des signes marqués sur le corps, à rebours de notre monde immatériel où toute richesse d’expression s’étiole.
D’ailleurs, Timothy Archer a approfondi son goût pour le primitivisme cher aux expressionnistes, en déménageant dans la capitale allemande afin de puiser à la source de la peinture contemporaine dont il s’est nourri, comme les toiles d’André Butzer, de Jonathan Meese ou d’un Bjarne Melgaard. Ce séjour aura cependant été l’occasion pour Timothy Archer de recentrer sa peinture, loin de son univers familier. Au contact de l’effervescence berlinoise, celle-ci s’est renouvelée formellement, délaissant la matière pour s’ouvrir à une palette chromatique plus vive, acide et fluorescente. Avec l’utilisation de la bombe qui donne à ses toiles un aspect parfois mat et poudré, le peintre a intégré dans son travail des éléments picturaux issus du Street Art dont Berlin est une des villes phares.

De cette influence Timothy Archer en a tiré son amour des contrastes de couleurs et des formes qui impulse une rythmique sans égal à ses toiles abondamment cernées de noir. Pour cela le peintre les exécute au fusain et au pastel noir des dessins d’où jaillissent masques, démons, portraits et animaux fantastiques, avant de faire intervenir la couleur pour leur donner corps et texture. Les fonds savamment préparés, parfois entièrement couverts d’un noir profond permettent aux formes et à la lumière d’émerger. C’est le rythme de la main, qui impose ensuite son mouvement et fait apparaître, à l’huile et au pastel gras, les figures autour desquelles va s’organiser la composition. Celles-ci s’imposent alors avec évidence, comme ce grand oiseau aux tonalités électriques vertes et rouges, cerné de masques et d’ondes qui captent son oxygène, ou ce chapelet d’yeux qui semble dériver.
Les tableaux de Timothy Archer ne sont pas des fenêtres qui viendraient recueillir des données optiques quelconques, mais une surface sur laquelle s’imprime le geste de la main Dans ses immenses fresques, la manualité emporte tout dans un délire graphique. L’oeil affolé se perd alors dans l’entrelacs et les délices des courbes et des couleurs.

Toutefois, si le peintre libère la manualité du respect des seules données visuelles en déployant toute l’énergie tonitruante de sa palette et le dynamisme de ses graphismes, il se prévient des risques du chaos, en construisant sa peinture autour d’une trame naïve, souvent teintée d’humour.
Comme l’écrit la galeriste Claire Corcia qui défend avec passion cet artiste :
« Au coeur de ses toiles, où le totem, l’animal et le mythe se côtoient pour constituer une fable remplie de trophées, rythmée par des jeux de courbes et contre-courbes endiablées en synchronie avec la couleur. »