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Gastineau Massamba partage le sort de ces êtres humains fuyant les violences politiques, sans aucune sécurité économique ni sociale, se déplaçant et migrant à la recherche de meilleures conditions de vie. C’est la force de sa peinture de pouvoir rendre visible le cri silencieux de ceux que nous côtoyons, et de nous faire « entendre » notre propre surdité à la souffrance d’autrui. La galerie Anne de Villepoix présente la première exposition personnelle de ses dernières peintures.

L’usage de l’acrylique et du pastel permet au peintre de retrouver l’énergie susceptible de saisir au plus vif les figures qu’il peint sans dessin préalable. L’artiste fait fi de toute narration et de décoration, il va à l’essentiel et attaque directement le motif sans préparer la toile. En bon dramaturge, il peint au plus profond de la chair. L’importance de la réserve dans cette peinture sur fond noir contribue à isoler les personnages. Un ascétisme qui confère à ses toiles un décorum quasi nul et qui n’est pas sans évoquer le dépouillement du théâtre de Beckett. D’ailleurs ne pourrait-on pas dire qu’il dresse des figures indomptables au moment où elles représentent l’effroi ? L’omniprésence du cri participerait d’une forme d’acte de résistance dont le philosophe Gilles Deleuze attribuait à l’art, la seule fonction édifiante dans un monde privé de transcendance ? N’est-ce pas cette aptitude à « tenir bon » au milieu du monde et des situations les plus inhumaines dont l’artiste témoigne à sa manière.

Rendre visible le cri

À propos de sa peinture, Gastineau Massamba confie qu’elle parle de choses qui lui sont très proches. Le peintre partage, depuis qu’il vit en France, le sort de ces êtres humains fuyant les violences politiques, sans aucune sécurité économique ni sociale, se déplaçant et migrant à la recherche de meilleures conditions de vie. C’est la force de cette peinture de pouvoir rendre visible le cri silencieux de ceux que nous côtoyons, et de nous faire « entendre » notre propre surdité à la souffrance d’autrui. Peinture dont le seul hors-champ est suspendu aux regards terrifiés des personnages qui nous observent, elle offre un face-à-face indécent où le dispositif pictural piège admirablement notre propre regard. L’artiste nous renvoie ainsi l’angoissante image de nous-mêmes, telle une apostrophe aussi acerbe que touchante adressée au public hypocrite.

Si la peinture a toujours été un art du silence, délaissant aux autres muses le pouvoir de dire et de narrer les actions humaines, elle s’est parfois risquée aux limites d’elle-même jusqu’à figurer le cri, excédant tout discours. De Caravage à Goya, de Poussin à Munch, de Bacon à Picasso, c’est sans doute le paradoxe de ce bruit d’un cri déchirant l’image qui a attiré ces grands peintres comme une épreuve ultime à leur art privé de voix. 

Poussin en peignant Le Massacre des innocents fut le premier à donner une consistance inouïe à l’existence d’un cri innocent, celui d’un enfant qu’on tue, rompant avec une tradition chrétienne qui représentait le cri pour signifier, le plus souvent, l’expression du châtiment d’un péché.

La sauvagerie silencieuse des toiles de Gastineau Massamban, leur crudité caravagesque et leur déréliction somptueuse les rendent dignes de ces grands peintres qui firent entendre un cri moderne débarrassé des fables religieuses. 

La peinture est une fête

Pourtant l’art de Gastineau Massamba n’a rien d’une oraison funèbre. Un subtil mélange d’expressionnisme et de maniérisme traverse cette peinture dont la vitalité permet de concilier l’âprêté thématique à la jubilation de la touche. La peinture est une fête malgré les drames qui peuvent s’y jouer. Contrairement à une tradition picturale qui fait descendre la lumière du ciel, l’éclairage semble provenir des tréfonds de la terre. Lumière d’outre-tombe ? Elle semble monter du sol comme pour mieux témoigner de ce rapport si fécond qui nous lie à la nature.

Gastineau Massamba

Né au Congo en 1973, Gastineau Massamba est très tôt initié par son père professeur à l’école des Beaux-Arts de Brazzaville puis poursuit son cursus au centre d’art de la Tsiémé à Talangai dirigé par Rémy Mongo Etsion. Il expérimente de nombreux médiums, performances, sculptures, poésies. A l’instar de ses travaux expérimentant le médium fil qui l’ont fait connaitre internationalement, il revient ici à la peinture et au dessin avec un ensemble de tableaux empreints de l’ambiance intime de son atelier de Montreuil.

Gastineau Massamba 

 » Mandola… « 

Du 17 Novembre 2021 au 29 Janvier 2022 

https://www.annedevillepoix.com

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