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En réunissant plus de deux cents pièces représentatives des étapes de l’œuvre de Michel Nedjar, l’exposition Michel Nedjar. Filiations au Domaine de Chamarande permet de prendre la mesure et la démesure de cette création dont Jean Dubuffet fut l’un des premiers à saluer la « flamboyante sorcellerie ». Par-delà ses premières poupées semblables à de monstrueux fétiches qui rendirent célèbre cet artiste à la fin des années 70, le visiteur découvre une œuvre protéiforme mélangeant avec une puissance peu commune le dessin, le cinéma expérimental, la confection de poupées, les installations, et les jeux d’écritures…

Michel Nedjar, devant ses oeuvres graphiques à l’exposition, Michel Nedjar. Filiations au Domaine de Chamarande, le 10 octobre 2021.© Philippe Godin

Un au-delà de la vision 

Il y a des œuvres qui s’imposent à nous par le regard. Il y en a d’autres qui nous touchent. Les premières relèvent d’une thématique souvent savante et intimidante, alors que les secondes se regardent de près, longuement, lentement. Nedjar participe de cette lignée d’artistes qui a porté très loin la reconquête des valeurs tactiles de l’art, reniées et refoulées depuis la Renaissance. Chacune de ses œuvres en appelle à une forme supérieure du regard dans laquelle l’œil devient un organe du toucher. Même les films expérimentaux semblent dépasser l’ordre commun du visible, et invoquent une puissance gestuelle emportant le regard dans une proximité troublante avec les corps. D’ailleurs l’artiste filme, bien souvent, sans regarder dans le viseur de sa caméra. Michel Nedjar nous invite constamment à dépasser les limites de notre vision, que ce soit en agglutinant des images cinématographiques, ou en empaquetant des objets dans du tissu. 

Nous sommes conviés à développer notre œil non-humain, non seulement, en touchant du regard les œuvres pour mieux deviner ce qu’elles dissimulent dans les plis de leurs étoffes, mais aussi en expérimentant une forme de voyance dont l’artiste a le secret. Ainsi, pour ses Visages convoqués, que l’on peut découvrir dans la salle consacrée à la pratique du dessin de l’artiste, Michel Nedjar en « convoquant » des visages de proches ou de personnalités célèbres (Napoléon, Marie-Antoinette…) n’a pas vraiment recherché une ressemblance visuelle, mais un autre type de mimèsis plus mentale qu’il obtient en dessinant les yeux fermés. 


Michel Nedjar, Sans titre (Visage convoqué de Dieu), 1995 – Technique mixte sur papier – 65 × 50 cm – Atelier de l’artiste – Photo : François Lauginie/Département de l’Essonne – © Michel Nedjar 

L’anti-destin de Michel Nedjar

Michel Nedjar revendique fièrement le caractère autodidacte de sa formation. Ce fils de tailleur né en 1947 présente non sans humour, d’ailleurs, au terme du parcours de l’exposition son diplôme de « Certificat d’aptitude professionnelle » au métier de couturier, comme pour mieux rappeler l’étrange anti-destin de son aventure artistique. Car à l’instar de la plupart des créateurs d’art brut dont Michel Nedjar a tant contribué à faire connaître les œuvres (en constituant la seconde collection d’art brut de France à Neuilly-sur-Marne, puis en participant à la création du LaM de Villeneuve-d’Ascq), rien ne semblait prédisposer ce petit-fils d’une chiffonnière des Puces de Saint- Ouen à devenir cet artiste brut, vivant, le plus exposé et publié ; le premier « brut » à être entré dans les collections du Musée national d’art moderne. 

Rarement la célèbre formule malrucienne de « l’art comme anti-destin » n’a pris une telle consistance, tant l’œuvre et la vie de cet artiste semble inséparable d’un désir de fuite, et d’une volonté farouche de s’arracher à une existence qu’on n’a pas choisie. D’où, peut-être, ces voyages incessants à travers le monde qui font de Nedjar un exilé toujours en quête d’un lointain – fut-il intérieur à d’étranges poupées ou morceaux de chiffons glanés dans ses interminables flâneries. Nedjar n’aura eu de cesse de vouloir dépasser le champ de son expérience natale en se déterritorialisant de sa banlieue de Seine-et-Oise, du métier tout tracé de tailleur, de son identité sexuée, ou même de cette histoire collective du peuple juif dont le jeune Nedjar saisit l’horreur en découvrant le film Nuit et Brouillard de Resnais. 

De là, sans doute, ce parti pris d’un art affranchi de toute ressemblance, résolument tourné vers « ce monde à côté », eine Zwischenwelt cher à Paul Klee, où le monstrueux et l’informe ont leur droit puisqu’ils peuvent être sublimes. Nedjar participe pleinement de l’esthétique du « bizarre » initiée par Baudelaire, où les imperfections, les entorses au goût, la laideur, le difforme et la monstruosité même, participent d’un devenir non-humain de l’art, et dont les œuvres de Kafka, Michaux, Dubuffet ou Klee sont les plus illustres pionnières. De fait, le monde de Nedjar n’a rien à envier à celui des créatures métamorphiques de Kafka, ou celui des êtres hybrides de Klee oscillant entre la chose, l’animal, et l’homme.



 Michel Nedjar, Sans titre (Poupée chairdâme), vers 1980-1985 – Tissus et technique mixte – 64 × 30 × 27 cm – Atelier de l’artiste – Photo : Nicolas Dewitte/LaM – © Michel Nedjar 

L’envoûtement des poupées 

N’est-ce-pas à cet univers que participent ces inquiétantes poupées de la série Chairdâmes (1978-1998) présentées dans la première salle de l’exposition ? Faites à l’aide de tissus fripés, de chiffons abandonnés, de plumes et de morceau de bois ; amalgamées et cousues à ces matériaux pauvres, elles finirent par tremper dans des bains « rituels » de terre et de sang après avoir été enterrées ! On ne s’étonne pas alors de l’impact immédiat que suscitèrent ces œuvres. Ainsi Dubuffet dans une lettre à Nedjar écrivait : « Votre art est très effrayant, affreusement tragique. Mais la vie est très tragique, et alors autant lui faire face sans tergiverser. Autant ne pas dissimuler où nous sommes et ce que nous sommes. Vous le représentez très fortement, avec une puissance peu commune ». 

Ces premières poupées cristallisent les trois grandes passions de l’artiste : le culte des vieux chiffons, l’amour de l’art brut (notamment avec la découverte décisive de l’œuvre d’Aloïse), et son obsession de la Shoah qui emporta une partie des siens. 

Vue de la première salle des poupées de la série Chairdâmes (1978-1998)

Une poétique de l’objet récupéré

L’œuvre de Nedjar reste tout autant inséparable de cette poétique de l’objet récupéré que de celle des espaces incertains et douteux (puces, caves, terrains vagues). C’est là qu’il puisa sa matière et sa Mère nourricière ; sa chora sémiotique ! 

Nedjar trouva sûrement au cœur même des puces de Paris, une forme de lieu poétique propice à son désir de rencontres et de création. De là il ne cessa jamais d’accumuler ces morceaux de passé et de fripe qu’il reprise inlassablement comme autant de plis d’une étoffe déchirée, en écho à sa propre diaspora dispersée. L’artiste reste aussi un noble héritier de Benjamin et des surréalistes qui firent des brocantes et des passages le labyrinthe de leurs flâneries. 

Michel Nedjar, Sans titre (Coudrage), 2021 – (Recto), papiers et cartons divers et fils sur tissus – 55 × 93 cm – Atelier de l’artiste – Photo : François Lauginie/Département de l’Essonne – © Michel Nedjar 

Michel Nedjar renoue, sans doute, avec une pratique magique de l’art, très ancienne. Des poupées de l’antiquité faites pour jeter des sorts, à celles en cire, en chiffons ou en bois retrouvées dans des sanctuaires romains du premier siècle après Jésus-Christ, les poupées peuplent toutes les cultures même si les rites varient. C’est d’ailleurs lors d’un périple au Mexique, que cet infatigable voyageur s’est laissé envoûter par la magie de ces poupées. Dans l’histoire de l’art occidentale, il existe aussi une longue tradition de poupons emmaillotés. De Madones à l’enfant de Giovanni Bellini aux marmots emmitouflés de Georges de La Tour, la liste est longue. 

Giovanni Bellini, Présentation de Jésus au Temple, 1454

En revanche du côté de l’histoire de l’art moderne ou contemporain, ceux qui ont fait de ces figures de l’inquiétante étrangeté l’obsession même de leur œuvre sont beaucoup moins nombreux. Hormis Bellmer qui le fit dans un tout autre registre, c’est à l’art brut, avec des créatrices comme Jill Galliéni et surtout Judith Scott, que l’on doit un renouvellement de ce thème.

Dans sa dernière période, Nedjar emploie des tonalités beaucoup plus colorées. Les poupées se détachent de leur dimension morbide pour conquérir une forme de cocasserie joueuse et rédemptrice. A partir des années 2000, les tissus finissent même par recouvrir toutes sortes d’objets qu’il assemble pour former de surprenantes sculptures abstraites. 


Michel Nedjar, Sans titre (Paquet d’objets arrêtés), 2016 – Tissus, fils et objets hétéroclites – 73 × 30 × 44 cm – courtesy christian berst art brut, paris – Photo : christian berst art brut, paris – © Michel Nedjar 

L’art de retourner sa vie

Avec l’univers baroque de Poupées Pourim, la création de Michel Nedjar connaît une remarquable transmutation. Cette collection de poupées joyeuses, fragiles, carnavalesques, « réparées », correspond à la découverte par l’artiste « du sens profond de la fête de Pourim, qui célèbre – par l’inversion, la transgression, le rire – le sauvetage des juifs d’une extermination programmée ». Ce théâtre Pourim constitue un contrepoint dynamique à la dimension nocturne des premières poupées.


Michel Nedjar, Poupées Pourim, « Guerrier », 2004 – Tissus, matériaux de récupération – 52 × 27 cm – Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, Paris – Acquisition, 2005 – Photo : Adam Rzepka (ADAGP, Paris) – © Michel Nedjar 
Détail du théâtre Pourim

Véritable point d’inflexion de l’œuvre, l’esprit de ces Poupées Pourim coïncident également avec la prise de conscience par l’artiste de cette puissance de retournement que possède l’art en transmutant les valeurs et les rôles auxquels nous assignent une tradition. N’est-ce pas le sens de cette fête de Pourim, que de permettre comme pendant les saturnales ou le carnaval, de porter des vêtements de fille quand on est un garçon, d’inverser les rôles, de se déguiser, de changer de costume, et par-delà d’inverser les identités ? Ce geste de transgression propre à la fête de Pourim que Nedjar découvrit pleinement lors de son exposition, en 2016, au musée d’art et d’histoire du Judaïsme (mahJ) à l’occasion d’une commande, permit à l’artiste, par-delà l’interprétation religieuse, d’assumer pleinement cette dualité qui semble au cœur de sa création. 

Michel Nedjar, Sans titre (Mask), 1989 – Technique mixte sur papier marouflé sur papier – 87 × 75 cm – Atelier de l’artiste – Photo : François Lauginie/Département de l’Essonne – © Michel Nedjar 

Nedjar, la figure du Double

Semblable à Janus, dieu romain des transitions, ce dieu bi-face, biffrons, l’art de Michel Nedjar ne présente-t-il pas deux visages, qui semblent participer d’un même élan portant la création à explorer le plus terrifiant de l’homme, tout autant que le plus joyeux ? N’est-ce pas cette étrange alliance unissant dans une même œuvre la joie du faire poétique et la jubilation à détruire ? Eros et Thanatos. 

Toute la création de Michel Nedjar est traversée par le thème du double, dont la dualité du chthonien et du ludique, n’est sans doute que le symptôme. En découvrant sa propre rétrospective au LaM en 2017, Michel Nedjar raconte qu’il éprouva une sorte de vertige devant l’ampleur de son œuvre, comme si elle ne lui était pas imputable. « Qui fait ça ? » « Pourquoi fait-il ça » ?  Véritable sentiment de dés-identification, et de trouble sur sa propre identité – moment quasi psychotique devant l’abîme de cet étranger en soi que doit tolérer tout grand créateur. Nedjar confie qu’il se réveilla dans la nuit, avec cette réponse en forme de libération : « C’est l’Autre, l’autre Nedjar » ! « Le double » – admirable solution apportée par le sommeil réparateur. 

N’est-ce pas une variante de la fameuse formule de Nerval : « Je suis l’autre » ? Ou bien de celle de Duras : « je suis jalouse de celle qui écrit ». À chaque fois, l’artiste éprouve un effet de distanciation et de dédoublement de la personnalité qui autorise le moi créateur à se libérer d’un « moi social » trop limité et illégitime à l’étrangeté d’une telle création.

Michel Nedjar dans son atelier parisien

On comprend mieux pourquoi ce genre d’œuvres constitue une invitation pour le spectateur à accueillir cette altérité que l’artiste a puisée du fond de ses rêves, avec ses fantômes et ses monstres.

Dans notre époque trop lisse et consensuelle, Nedjar nous rappelle que l’art n’est nullement une affaire de bons sentiments – fussent-ils relationnels, résiliants, « care », ou même « anthropocènart »…– qu’il se nourrit bien plus de cette complicité inquiétante entre « folie » et « humanité », en sachant comme le dit Gilles Deleuze, « qu’on n’a jamais pensé que par elle et sur ses bords, et que tout ce qui fut bon et grand dans l’humanité entre et sort par elle, chez des gens prompts à se détruire eux-mêmes, et que plutôt la mort que la santé qu’on nous propose. »

N’est-ce pas le même retournement existentiel qui accompagna le devenir créateur de Nedjar, et celui permettant à Beckett d’accepter « l’obscurité » qu’il s’était efforcé de refouler, jusqu’à en faire la source même de son inspiration ? À rebours d’un art contemporain trop souvent aseptisé qui anesthésie à force de vouloir réparer, relier, remédier, contextualiser…- en un mot d’un art “soporifique”, et dont Nietzsche, déjà, reprochait à Schopenhauer sa conception esthétique affadie – Nedjar ne fait-il pas de son œuvre une affirmation de la vie, malgré son horreur et sa souffrance ?

Un tailleur qui a mal tourné

Ainsi l’œuvre de Michel Nedjar avec sa violence, son énergie cannibale, mais aussi sa vitalité joyeuse et carnavalesque semble inséparable d’une capacité à retourner une existence que tout vouait à la voie tracée par le Père. Troisième d’une famille de 7 enfants, le jeune Nedjar irrite et encoure les foudres de l’autorité paternelle en s’affranchissant déjà des genres, préférant les jouets de filles. Il finit par s’émanciper de cette vie destinée à reprendre le métier de couturier, en poursuivant sa passion des tissus non plus pour habiller les dames, mais pour revêtir d’étranges accumulations d’objets hétéroclites. Nedjar ne dit-il pas qu’il est un tailleur qui a mal tourné, en momifiant de nombreux objets ?


Michel Nedjar, Sans titre (Reliquaire), 2021 – Tissus, fils et albums de photos intimes – 17,5 × 14 × 6 cm (chacun) – Atelier de l’artiste – Photo : François Lauginie/Département de l’Essonne – © Michel Nedjar 



Le « Fer » poétique de Michel Nedjar 

Et de fait, toutes les œuvres, à partir de 2006, comme les Paquets d’objets arrêtés, et, plus récemment, les Objets coudrés (à partir de 2020) s’inscrivent dans un travail de reprise infidèle de ce métier de tailleur dont il détourne avec jubilation les outils et les gestes. L’artiste habille tous ces objets en laissant les coutures à l’extérieur. Il les enveloppe de cette toile blanche qui sert à faire les patrons, laissant visible les points de bâti, comme si tout avait été retourné. Les tissus et les étoffes de couleurs sont « coudrés » ensemble pour « habiller » ces objets – en paquets ou seuls -, les métamorphoser et leur donner une nouvelle vie, désormais poétique. Le fer à repasser sert même à confectionner les dessins des Visages convoqués que l’artiste enduit de cire. Et, à l’instar des poupées, les ciseaux de tailleur de son père sont eux-mêmes emmaillotés ; sa manière d’en « découdre », pour le coup, avec la castration !

Duchamp avait conçu le ready-made, Nedjar invente une forme de « prêt-à-porter » à l’usage des objets quotidiens en habillant sans ambages théières, jouets, ciseaux, fer, albums de photos, et ciseaux ! Un art de transfigurer le banal qui confère parfois à ses créations une familiarité avec les emballements de Christo – miniaturisés à l’échelle de nos « monuments » ménagers.

Rarement le travail psychotique de découpage et de démembrement dionysiaque, que l’on rencontre fréquemment chez les artistes bruts, et nombre d’iconoclastes, n’a conquis une telle fécondité. Par sa capacité à inventer des gestes plastiques inédits, « coudrer », retourner, Michel Nedjar retrouve parfois l’esprit des Nouveaux Réalistes et leur manière d’empoigner le réel dans une série d’actions qui sont restées comme autant de signatures  : compresseraccumulerempaqueterlacérertirer…L’univers poétique de Nedjar présente également une parenté inattendue avec des aventures plus littéraires, comme celles de Duras, d’Artaud, de Burroughs, ou même de Malraux qui explorèrent l’écriture à travers un travail acharné de découpe, et de cruauté joyeuse, en mélangeant les genres, par cut-up, à coup de ciseaux et de colle, comme dans les montages d’un Musée imaginaire, ou de l’autofiction durassienne – ce genre impur ; la création devenant l’exploration des figures plurielles de l’engendrement d’un corps arraché à ce qu’Artaud nommait « la matrice du Père-Mère ».

Michel Nedjar, Sans titre (Paquet d’objets arrêtés), 2020 – Tissus, fils et objets hétéroclites – 41 × 38 × 22 cm – Atelier de l’artiste – Photo : François Lauginie/Département de l’Essonne – © Michel Nedjar 

Vidéo de présentation de l’exposition par Michel Nedjar

Une esthétique de l’impur

Inclassable, l’œuvre de Michel Nedjar relève bien d’une esthétique de l’impur (selon la belle expression de Gilbert Lascault ) qui correspond, sans doute, à ce moment de l’art contemporain dont nous sommes les témoins. Cette œuvre participe, en effet, à ce que Platon, dans le Sophiste, nomme le poïkilon : l’impur, le mélangé, le bigarré, à l’image de l’exposition présentée Domaine de Chamarande. Elle permet de (re)découvrir ainsi toute l’étendue du talent de Michel Nedjar qui décline un étrange charivari de poupées, de tissus, de visages avec son bestiaire inquiétant : araignée, oiseau, serpent, hibou, bêtes à cornes, etc. 

Les dessins et peintures de Nedjar témoignent également de ce magnifique mélange des genres en alternant l’obsession de la figure humaine, ses corps et visages aux yeux cernés, avec des séries animales qui semblent sortir d’une préhistoire éternelle et mutique. Il serait tentant d’interpréter cette récurrence de masques et des motifs d’animaux comme autant de projections d’un imaginaire païen ou animiste agrémenté par les nombreux voyages de l’artiste. Mais Nedjar semble bien plus tailler à même ses propres blocs d’enfance, comme autant de strates d’une archée toujours vive et présente, dont il exhume, le temps d’une œuvre, la présence mystérieuse d’une poupée ou d’un animal, avec son regard archaïque, et déjà perdu. 



 Michel Nedjar, Sans titre (Présence), 1998 – Technique mixte sur papier kraft – 104 × 59 cm – Atelier de l’artiste – Photo : François Lauginie/Département de l’Essonne – © Michel Nedjar 

Il ne reste que quelques semaines avant le 9 janvier pour se perdre dans les filiations géniales et poétiques de Michel Nedjar au Domaine de Chamarande, et découvrir en complément de l’exposition un magnifique ensemble d’œuvres d’art brut venu du Lam de Villeneuve d’Ascq (Aloïse, André Robillard, Jean Grard). 

Aloïse Corbaz, Noël / Château de Blümenstein, vers 1940-1945 
Pastel sec, pastel gras et fil cousu sur papier kraft – 117 × 85 cm – LaM, Villeneuve-d’Ascq – Donation de L’Aracine, 1999 – Photo : P. Bernard – © Fondation Aloïse 

 EXPOSITION > MICHEL NEDJAR – FILIATIONS / DU 25 SEPTEMBRE 2021 AU 9 JANVIER 2022

http://chamarande.essonne.fr/exposition-michel-nedjar-filiations-du-25-septembre-2021-au-9-janvier-2022/

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